Comme pour tout bâtiment agricole, l’estimation de la valeur vénale de bâtiments d’élevage bovin passe par un premier réflexe d’une part du contexte et d’autre part de connaissance de la situation locative et de la propriété du fonds.

En effet, il est primordial de comprendre l’objectif de la valorisation notamment que celle-ci soit demandée pour un souhait de cession ou bien pour une fin de bail répondant alors aux exigences réglementaires du L411-69 du Code rural de détermination de l’indemnité au preneur sortant.

Ce dernier cas requiert en effet non seulement une attention accrue à la situation locative et aux autorisations demandées ou non au bailleur le cas échéant mais également de se référer aux tables réglementaires d’amortissement qui différent des modes d’amortissement comptable.

La situation locative impactera également la valeur du bien en fonction de l’engagement restant à courir mais également du type de bail (bail rural verbal, de long terme, emphytéotique, etc.)

Une méthode principale et spécifique de valorisation

Les méthodes classiques d’expertise sont généralement inapplicables pour les bâtiments agricoles.

La méthode par comparaison nécessitant d’identifier des références de transaction comparable et à proximité se heurte non seulement à la spécificité de chaque bâtiment reflétant le mode d’exploitation agricole, à leur incorporation parfois intime au sein de corps de ferme, mais également aux cessions cumulant généralement bâtiment et terres ne permettant pas d’isoler un prix de vente pour le seul bâti professionnel.

Si la méthode par le rendement, quant à elle, se voit employée par certain expert immobilier non coutumier du monde agricole, elle reste d’un emploi totalement aberrant eu égard au marché non libre du fermage. Il faut rappeler en préambule que cette méthode fait référence à la valeur qu’un investisseur devrait attendre d’un bien immobilier de rendement ; elle se base sur un loyer dit de marché, un taux relatif à un risque et la possibilité d’un marché libre tant de location que de revente. Or le loyer agricole (comme la vente) est strictement encadré et sa valeur dépend d’arrêtés départementaux et d’un indice national du fermage ; par ailleurs les contraintes à la mise en location ne permettent pas à ce marché d’être qualifié de libre. Que dire d’un loyer variant légèrement à la hausse tous les ans face à des bâtiments agricoles parfois d’une grande typicité locale, au regard de la crise majeure sur la viande bovine que vivent les exploitants agricoles ces dernières années et conduisant à de nombreuses liquidations ? Ainsi le maintien de tels loyers encadrés conduirait l’expert – s’il souhaitait artificiellement et faussement aboutir à des valeurs conformes aux transactions constatées – à utiliser de faibles taux tels qu’on en rencontre pour des placements sans risque !

Il reste l’utilisation de la méthode par reconstruction à neuf moins vétusté. D’un emploi globalement délicat car pouvant conduire à une survalorisation du bien, elle requiert une attention complémentaire pour l’application à l’expertise de biens agricoles. Elle ne se basera tout d’abord qu’exceptionnellement sur les immobilisations comptables car le milieu agricole réalise quasi-systématiquement une part d’auto-construction pour ses bâtiments, que ce soit au moins les fondations voire le bardage ou l’aménagement intérieur. Cette méthode, à partir des caractéristiques du bâti, simulera une reconstruction à neuf par corps d’état puis y appliquera le taux de vétusté constaté et estimé lors de la visite expertale.

Les spécificités du bâtiment d’élevage bovin.

La prise en compte des spécificités à l’élevage bovin entrera à ce moment en considération. L’expert s’attachera d’abord à définir le type de bâtiment : exploitation entravée (années 1960-1970) avec couloir central et deux rangées de bovins, stabulation (après 1970) avec auge, cornadis, et aire de couchage souvent compartimentée.

Puis il estimera la fonctionnalité du bien eu égard tant à l’exploitation actuelle qu’à une reconversion. Seront regardés la qualité des sols (terres battues, aire bétonnée, etc.), la hauteur sous faîte et d’entrée, l’insertion du bâtiment au sein de l’exploitation facilitant ou non l’apport de paille, l’export de fumier, les flux de matériaux et les manœuvres d’engins, etc. Une attention particulière sera portée sur le respect des normes ; si ce point peut sembler moins important pour l’exploitation bovine, nombre de bâtiments agricoles deviennent rapidement obsolètes et doivent faire l’objet d’une remise aux normes notamment en matière de mode de contention ou de ventilation. Pour autant, un regard sera porté sur l’amiante : rares sont les exploitants ayant fait réaliser un audit ou ayant traité de manière conforme l’amiante dégradé de leur toiture.

Mais surtout, la méthode d’évaluation des bâtiments agricoles doit prendre en compte leur polyvalence et les possibilités ou non de modification a minima de mode d’exploitation (façon d’utiliser le bâtiment tout en gardant la même destination) que de changement d’affectation (passage à un hangar par exemple, installation d’une nurserie, etc.). Cette analyse donne lieu à l’attribution d’un coefficient d’usage nuançant la valorisation ; elle est d’autant plus importante dans le contexte actuel des cessions agricoles où les modes d’exploitation – pour un même type d’élevage – sont de plus en plus variés et dont l’étroitesse du marché valorise les bâtiments polyvalents.

Enfin, sera pris en compte le contexte, étant entendu que la volonté des parties prévaudra dans la l’ajout ou non des survaleurs liées aux équipements, en fonction de ce qui reste ou non en place (cornadies, auge, etc.).