Des décisions récentes nous amènent à effectuer quelques rappels liés au bail rural. En effet, certains de nos clients ont une méconnaissance quant aux dispositions régissant ces baux, dont certaines sont d’ordre public.

Il est essentiel de rappeler tout d’abord que les baux ruraux peuvent être verbaux ; il s’agit même de la majorité des baux dans certains départements. Les conditions qui s’appliquent sont alors celles du contrat de bail départemental type, défini par les chambres d’agriculture dans l’intérêt des agriculteurs. Cet état de fait surprend nombre d’interlocuteurs qui s’étonnent de ce qui pourrait apparaître comme une entorse si ce n’est au droit de propriété du moins à la liberté contractuelle. Pour autant ce principe est à la fois prévu par la réglementation (L411-4 du CRPM) et de jurisprudence constante. Qui plus est, un arrêt de la Cour de cassation (n°390, audience publique 3 juin 2020) concernant une requête d’un bailleur souhaitant la transmission au Conseil constitutionnel d’une QPC relative précisément à l’atteinte par le bail rural verbal des droits et libertés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, a conclu à une recevabilité de la question mais à son absence de caractère sérieux ne permettant pas le renvoi au Conseil constitutionnel.

Les conditions emportant bail rural sont en effet très englobantes et définies par le L411-1 du CRPM d’ordre public : cela concerne toute « mise à disposition, à titre onéreux, d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à  l’article L311-1 du même code« .

Ainsi, le bail rural est notamment conclu dès la moindre perception monétaire par le bailleur. Cet argument est régulièrement avancé et constitue, depuis l’arrêt du paiement de la plupart des fermages en nature (L411-12), un élément matériel aisément vérifiable. (CC 3e civ. 10 septembre 2020 n°19-20.856).

Pour autant, il appartient bien à l’exploitant demandeur d’apporter la preuve de l’existence d’un bail et ce, de jurisprudence constante (CC 3e civ. 9 mai 2109 n°17-31.020, CC 3e civ. 7 février 2019 n°17-26.249). A ce titre, toute preuve contraire est utile, d’où l’importance de conclure des contrats précaires, soit dérogatoires (lorsque les conditions strictes d’exemption à la règle le permettent), soit de type prêts à usage à titre gratuit (CC 3e civ. 12 septembre 2019 n°18-14.406).

A noter enfin que même la SAFER, disposant pourtant de possibilités dérogatoires régaliennes par la conclusion possible de baux précaires de 3 ans, n’est pas exempte du respect de ces dispositions contraignantes à l’échéance de ces baux (CC 3e civ. audience publique du 6 février 2020).

Nous n’insisterons enfin jamais assez sur l’importance de faire établir un état des lieux d’entrée à la conclusion de tout bail rural (comme le rappelle le L411-4) et ce réalisé par un expert foncier et agricole. Le coût peut sembler important pour des loyers somme toute faibles mais ce choix s’avère essentiel, lorsqu’on se rappelle qu’il s’agit de contrats qui peuvent perdurer plusieurs générations (par transmission aux descendants) d’une part, et que d’autre part l’un des rares motifs permettant de récupérer les terres reste celui pour dégradation du fonds qui nécessite d’y apporter des preuves tangibles.

Quand on y ajoute qu’à l’issue du contrat, « quelle que soit la cause qui a mis fin au bail » (L411-69 CRPM), une indemnité au preneur sortant doit être calculée, pouvant ou non être en faveur du bailleur, on comprendra l’importance de pouvoir se référer à un état des lieux initial permettant seul un point de comparaison comprenant des données factuelles et techniques non discutables.